L’utilisation de smartphones pour suivre la pandémie de COVID-19 n’est pas une idée nouvelle : la Chine, la Corée du Sud, Singapour, la France l’envisage avec sa propre application StopCovid, et d’autres pays le font depuis un certain temps déjà. Mais Apple et Google contrôlent l’OS qui alimente la grande majorité des smartphones du monde. Leur partenariat va donc rendre possible le suivi de la maladie à une échelle beaucoup plus grande.
La mise à jour du logiciel qu’ils prévoient de diffuser sur leurs systèmes d’exploitation en mai permettra aux utilisateurs d’opter pour un système de suivi basé sur la connectivité Bluetooth qui enverra des alertes s’il détecte que vous avez été en contact avec un cas COVID-19.
Les deux sociétés ont beaucoup fait pour dissiper les inquiétudes concernant la protection de la vie privée — bien plus que la plupart des initiatives gouvernementales existantes — mais il reste à voir quelle sera exactement son efficacité et dans quelle mesure les gens lui feront confiance.
Qu’est-ce que le système de traçage ?
Apple et Google vont tous deux mettre en place le même système : un système de recherche de contacts basé sur le Bluetooth LE. Tout smartphone qui se connectera au programme activera son Bluetooth et, toutes les cinq minutes, vérifiera la présence d’autres appareils Bluetooth (Android et iOS) qui font partie du programme de recherche des contacts.
Lorsqu’il en trouve un à proximité, le smartphone de l’utilisateur envoie à l’autre appareil un code d’identification unique (sans informations personnelles ni noms) et reçoit un autre code en retour. Ces deux appareils enregistreront le code qu’ils recevront de l’autre.
Le code d’identification anonyme de l’appareil d’un utilisateur change toutes les 15 minutes par mesure de protection de la vie privée. Ces codes, ainsi que les codes des appareils avec lesquels l’utilisateur est entré en contact, sont stockés temporairement sur l’appareil. Si l’utilisateur n’est pas porteur du COVID-19, aucune donnée n’est jamais téléchargée.
En revanche, si un utilisateur est déclaré comme ayant le coronavirus COVID-19, les codes d’identification que son smartphone a utilisés au cours des quatorze derniers jours seront, avec son consentement, téléchargés vers un serveur central. Les appareils des autres utilisateurs vérifieront si l’un de ces codes existe dans la mémoire de leur smartphone et, si c’est le cas, l’utilisateur sera averti de son exposition potentielle. Tout ce rapprochement s’effectue sur les appareils des utilisateurs : aucun enregistrement de deux utilisateurs se trouvant à proximité n’est jamais mis en ligne ou rendu public.
Comment les gens peuvent-ils l’obtenir ?
La première chose sur laquelle Apple et Google travaillent est une interface de programmation d’application (API), qui est un moyen pour les applications de se connecter au système de traçage. Les utilisateurs qui veulent participer devront d’abord télécharger une application créée par une autorité de santé publique habilitée à utiliser le système. Cette fonctionnalité devrait être disponible d’ici la mi-mai pour les utilisateurs qui souhaitent participer. Elle devrait être disponible pour toutes les versions d’iPhone et les appareils Android à partir de la version 6.0.
Cependant, il faudra l’installer pour en profiter, ce qui pourrait entraîner de faibles taux d’utilisation. C’est pourquoi la prochaine étape pour Apple et Google consistera à développer la fonctionnalité au niveau du système d’exploitation, ce qui facilitera probablement l’inscription des utilisateurs et leur utilisation. Cela pourrait se faire en juin.
Qu’en est-il de la vie privée ?
Google et Apple sont de grandes entreprises technologiques, ce qui peut influencer négativement l’instinct de certains en matière de vie privée. N’est-ce pas une occasion de plus de vous suivre ? C’est une réaction justifiée, mais les deux entreprises ont fait beaucoup pour que les données des utilisateurs restent privées, et elles ont couvert presque toutes les bases possibles. Il y a certainement encore de potentiels trous dans la raquette, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé de les combler :
- Les codes d’identification du smartphone sont anonymes, changent en permanence et sont stockés localement — même si les codes étaient rendus publics, vous ne pourriez pas être immédiatement identifié avec eux
- Les codes de votre smartphone et les codes que votre smartphone collecte sont effacés de votre appareil après un certain temps
- Aucune donnée n’est collectée à moins que vous n’en fassiez la demande
- Si vous choisissez de le faire, vos données ne seront partagées que si vous contractez le virus et choisissez de télécharger vos codes
- Votre smartphone compare les codes stockés localement avec les codes stockés de manière centralisée provenant de personnes connues pour être infectées. S’il y a correspondance, seul votre téléphone est au courant
- L’accès à l’API est limité à un petit groupe d’autorités de santé publique de confiance
- Aucune donnée de localisation n’est jamais enregistrée — il s’agit simplement du Bluetooth
- Le système sera arrêté une fois la crise terminée
Est-ce que cela fonctionnera ?
La recherche des contacts est un outil très important dans la lutte contre les épidémies, et elle est généralement effectuée par des professionnels de la santé qui interrogent les patients afin de recueillir des données sur leurs déplacements et leurs activités. C’est un processus assez lourd, et l’automatiser serait d’une grande aide. Le système électronique doit être largement adopté pour fonctionner, et il est fort probable que la plupart des utilisateurs ne téléchargeront pas les applications en mai, même s’ils pourraient choisir de le faire une fois que la mise à jour sera disponible au niveau du logiciel.
Un autre problème est celui des tests : même si beaucoup de gens participent, si beaucoup de cas ne sont pas confirmés, les utilisateurs ne recevront pas d’alertes suite à un contact. D’autre part, le Bluetooth ne peut pas dire si les gens ont eu un contact potentiellement infectieux ou non, donc vous pourriez recevoir de fausses alertes positives si, par exemple, une personne qui a contracté le COVID-19 était à porter, mais dans une autre pièce.
La lutte contre le COVID-19 va probablement s’éterniser pendant un certain temps et, à terme, ces applications pourraient s’avérer des atouts précieux pour suivre les épidémies périodiques que nous aurons probablement à l’avenir. Même si la recherche des contacts ne fonctionne pas pour le COVID-19, il est très peu probable que ce soit la dernière pandémie que nous verrons, et la mise en place d’un système dès maintenant signifie que nous serons prêts à la déployer beaucoup plus rapidement à l’avenir.