Depuis quelques mois, un nouveau phénomène agite la sphère tech : le « vibe coding ». Le terme, inventé en février dernier par Andrej Karpathy, cofondateur d’OpenAI, a rapidement été adopté par une nouvelle communauté d’utilisateurs d’IA, désireux de créer des logiciels… sans écrire une seule ligne de code.
Mais, si cette idée peut sembler révolutionnaire, elle soulève aussi de sérieuses questions de sécurité, de qualité et de responsabilité.
There’s a new kind of coding I call « vibe coding », where you fully give in to the vibes, embrace exponentials, and forget that the code even exists. It’s possible because the LLMs (e.g. Cursor Composer w Sonnet) are getting too good. Also I just talk to Composer with SuperWhisper…
— Andrej Karpathy (@karpathy) February 2, 2025
Vibe coding : c’est quoi exactement ?
Dans sa version la plus simple, le vibe coding consiste à décrire en langage naturel ce qu’on veut obtenir comme résultat, et laisser l’IA générer l’intégralité du code, sans chercher à le corriger, l’optimiser ou même à le comprendre. Karpathy pousse l’idée encore plus loin : il utilise même un outil de dictée vocale pour ne jamais toucher au clavier. Il envoie des prompts comme « Crée-moi une base de données sécurisée pour mes mots de passe »… et accepte les résultats tels quels.
C’est un changement radical comparé à l’usage habituel des outils comme Cursor ou GitHub Copilot, qui étaient pensés comme des aides pour les développeurs. Ces IA assistent, complètent, expliquent, voire génèrent des blocs de code, mais elles partaient du principe que l’utilisateur sait coder. Le vibe coder, lui, ne sait pas coder, et n’essaie même pas de comprendre ce qu’il obtient.
Les risques pour les utilisateurs (et les créateurs eux-mêmes)
Le problème est simple : si vous ne savez pas ce que vous faites, vous ne pouvez pas vérifier si l’IA a bien compris ce que vous vouliez. Par exemple, un développeur demandera à Cursor de « hasher et saler les mots de passe pour une authentification sécurisée ». Un non-technicien dira plutôt : « Crée une base de données sécurisée pour stocker mes mots de passe ». L’intention est là, mais le vocabulaire technique précis ne l’est pas.
Et c’est là que les choses tournent mal. L’IA pourrait interpréter la requête littéralement, et simplement stocker les mots de passe en clair, sans salage ni hachage. Le code « semble fonctionner », mais en réalité, il expose les données des utilisateurs à de graves failles de sécurité.
Pire encore, ces erreurs ne génèrent souvent aucune alerte visuelle. Tout fonctionne normalement… jusqu’à ce que quelqu’un vole les données.
Une explosion des coûts cachés
Mais le vibe coding ne pose pas seulement des problèmes de sécurité. Il peut aussi faire exploser les coûts d’hébergement, même si le produit fonctionne « correctement ». Pourquoi ? Parce que le code généré de manière improvisée est souvent inefficace, redondant ou mal optimisé. Il peut envoyer 3, 5 ou 10x plus de données que nécessaire, ce qui augmente les factures d’API, de bande passante, ou de cloud (par exemple via AWS).
Imaginez que votre produit fasse le buzz du jour au lendemain, et que vous vous retrouviez avec des milliers d’utilisateurs. Si votre code gaspille des ressources, chaque utilisateur vous coûte plus cher qu’il ne vous rapporte. Résultat : un succès peut rapidement vous ruiner.
Faut-il démocratiser le développement logiciel avec l’IA ?
Certains diront que le vibe coding est une nouvelle façon de rendre le développement plus accessible, de casser les barrières pour les non-développeurs. Mais cet argument tient difficilement. Le développement logiciel est déjà démocratisé. Grâce à Internet, n’importe qui peut apprendre gratuitement à coder, que ce soit via YouTube, OpenClassrooms, FreeCodeCamp, ou des IA comme ChatGPT.
Le problème n’est pas l’accès aux outils, mais le refus d’apprendre. Il ne s’agit pas juste de « taper du code », mais de comprendre comment fonctionne une application, comment gérer la sécurité, comment tester un produit, comment l’optimiser, comment anticiper sa scalabilité.
Comme le résume bien le texte original : « Si tu veux parler espagnol, tu dois apprendre l’espagnol. Si tu veux jouer de la guitare, tu dois apprendre à en jouer. Et si tu veux créer un logiciel, tu dois apprendre à le faire ».
Le vibe coding : effet de mode ou danger durable ?
Personne ne sait encore si le vibe coding est une tendance passagère ou une transformation profonde du rapport entre l’humain et la technologie. Peut-être que Karpathy voulait simplement montrer à quel point l’IA avait progressé, même avec des instructions approximatives. Mais beaucoup ont interprété cela comme une invitation à coder sans rien comprendre, ce qui est dangereux, aussi bien pour les créateurs que pour les utilisateurs.
Il est tout à fait possible d’utiliser l’IA pour apprendre à coder plus vite, ou pour automatiser des tâches simples. Mais créer un logiciel complet, le commercialiser, collecter des données d’utilisateurs et encaisser des paiements implique une responsabilité technique et éthique. Ce n’est pas une aventure à prendre à la légère — et ce n’est surtout pas une histoire de « vibes ».
Le vibe coding est peut-être cool en surface, mais c’est une illusion dangereuse. Si vous avez une idée de produit, apprenez à la développer, ou entourez-vous de gens compétents. L’IA peut vous aider, mais elle ne remplacera jamais la compréhension humaine du code, de la logique, et de la sécurité.