En octobre 2021, Pat Gelsinger, alors PDG de Intel, annonçait avec enthousiasme que l’entreprise s’apprêtait à entamer une nouvelle ère technologique : une avancée qui lui permettrait de réduire la taille de ses transistors plus rapidement que ne le prédit la loi de Moore. Cette dernière, formulée par le cofondateur d’Intel Gordon Moore, stipule que le nombre de transistors dans une puce double environ tous les deux ans, servant ainsi de référence aux concepteurs de puces depuis des décennies.
La promesse de Gelsinger était claire : Intel allait revenir au sommet en surpassant les leaders de la gravure que sont TSMC et Samsung Foundry, notamment grâce à son futur nœud 18A, censé entrer en production de masse fin 2024. Ce nœud, considéré comme sub-2nm, devait marquer une nouvelle étape et redonner à Intel le leadership technologique dans le domaine des fonderies.
Un virage inattendu vers TSMC pour le CPU Nova Lake
Mais, selon un rapport du Taiwan Economic Daily, les choses ne se passent pas comme prévu. Intel aurait choisi de confier la fabrication de son prochain processeur Nova Lake à TSMC, en utilisant le nœud N2 (2 nm) de première génération du fondeur taïwanais. Une décision qui soulève de nombreuses questions sur la maturité réelle du procédé 18A d’Intel.
Si Intel déclarait encore récemment que son 18A était supérieur au 2 nm de TSMC, la décision d’externaliser la fabrication de son CPU vedette semble contredire ce discours. Il apparaît que Intel opterait désormais pour une stratégie de double sourcing : confier ses produits les plus critiques à TSMC, tout en utilisant ses propres usines (Intel Foundry Services) pour des puces moins stratégiques.
La course au 2 nm : TSMC attire AMD, Apple… et Intel
Cette décision s’inscrit dans un contexte de forte concurrence autour du 2 nm. AMD a récemment annoncé être le premier client officiel de TSMC pour ce nœud, qui servira à produire ses processeurs EPYC de 6e génération (« Venice »). De son côté, Apple prévoit d’utiliser ce procédé pour ses puces A20 et A20 Pro, attendues dans l’iPhone 18 en 2026.
Intel, quant à lui, réservera le 18A à des projets comme les SoC Panther Lake ou les processeurs Xeon Clearwater Forest. Cela montre que la société n’abandonne pas ses ambitions internes, mais qu’elle fait preuve d’un réalisme stratégique en externalisant une partie de sa production pour rester compétitive à court terme.
Un revirement de cap discret après une année difficile
Ce choix n’est sans doute pas celui que Gelsinger envisageait lorsqu’il affirmait que TSMC et Samsung seraient dépassés d’ici 2025. Mais le contexte a changé : Pat Gelsinger a quitté Intel, après une année 2023 marquée par des pertes de 18,8 milliards de dollars (dont d’importants amortissements). Le départ du PDG symbolise aussi une perte de confiance du marché quant à la capacité d’Intel à revenir dans la course face aux géants asiatiques du semi-conducteur.
Aujourd’hui, Intel tente de gagner du temps, d’assurer la continuité de ses livraisons, et surtout de préparer l’avenir en espérant que 2025 ou 2026 marqueront un véritable retour en force de ses technologies maison.
Intel semble donc mettre entre parenthèses ses ambitions d’indépendance totale dans la fabrication de ses puces les plus avancées. En s’appuyant sur TSMC pour sa gravure en 2 nm, l’entreprise joue la carte de la prudence et de la flexibilité. Mais cette décision alimente aussi les doutes sur la capacité réelle d’Intel à redevenir un leader technologique global, aussi bien en conception qu’en production.