Depuis 2020, les règles d’exportation des États-Unis empêchent TSMC et d’autres fonderies utilisant des technologies américaines de fournir des puces avancées à Huawei. Pourtant, selon de récents rapports, des centaines de milliers de puces fabriquées par TSMC auraient été obtenues par Huawei, déclenchant une vive inquiétude au sein du gouvernement américain.
L’affaire a été abordée lors d’une audition devant la Commission bancaire du Sénat, où Jeffrey Kessler, le candidat de Donald Trump pour diriger le Bureau of Industry and Security (BIS) du département du Commerce, a souligné l’importance de renforcer l’application des règles en vigueur.
« C’est évidemment un énorme problème. Il est essentiel de garantir que nous disposons d’une application forte des réglementations », précise Jeffrey Kessler
S’il est confirmé à son poste, Kessler promet d’utiliser toute l’étendue des sanctions et des pouvoirs de contrôle pour empêcher de nouvelles violations des restrictions d’exportation.
L’inquiétude porte en grande partie sur l’impact que ces puces pourraient avoir dans la course à l’intelligence artificielle (IA) entre les États-Unis et la Chine, notamment pour des usages militaires.
TSMC, Huawei et la fuite des puces vers la Chine
L’affaire a éclaté en octobre 2024, lorsqu’un rapport de TechInsights a révélé que le Huawei Ascend 910B, un accélérateur IA de pointe, intégrait une puce fabriquée par TSMC en violation des sanctions américaines.
Le Ascend 910B est un processeur conçu pour accélérer des tâches d’apprentissage automatique et profond, des opérations qui dépassent les capacités des CPU classiques. Ce composant est le plus avancé produit en masse par une entreprise chinoise et aurait été fabriqué par SMIC — la plus grande fonderie chinoise — en 7 nm (N+1).
Le représentant républicain John Moolenaar, président de la House Committee on the Chinese Communist Party, a qualifié cette situation de « catastrophe pour la politique de contrôle des exportations ». « Les accélérateurs IA comme celui-ci sont à la pointe de notre course technologique avec le Parti Communiste Chinois, et je crains que les dégâts causés ici n’aient des conséquences majeures sur notre sécurité nationale », précise John Moolenaar
Comment Huawei a-t-il obtenu ces puces TSMC malgré l’embargo ?
Lors du démontage du Ascend 910B, TechInsights a découvert que la puce TSMC à l’intérieur correspondait à un modèle produit pour Sophgo, une entreprise chinoise de conception de semi-conducteurs.
Face à cette découverte, le Département du Commerce des États-Unis a ordonné à TSMC de suspendre immédiatement ses livraisons à Sophgo et à d’autres firmes chinoises. Des centaines de milliers de puces auraient été commandées par Sophgo à TSMC, avant de potentiellement être transférées à Huawei.
Dans un communiqué, TSMC a déclaré être une « entreprise respectueuse des lois », précisant qu’elle n’a pas expédié directement de puces à Huawei depuis 2020. Mais la firme n’a pas nié la possibilité que ses composants aient pu être redistribués par des intermédiaires.
À son apogée, Huawei était le deuxième plus grand client de TSMC après Apple.
Le Ascend 910B plus puissant que la puce IA d’NVIDIA ?
Malgré cette controverse, Huawei affirme que son Ascend 910B surpasse de 20 % le NVIDIA A100 en matière de performance d’entraînement IA.
Si ces affirmations sont exactes, elles indiqueraient que Huawei pourrait rattraper son retard sur les géants américains de l’IA, malgré les restrictions. Cela renforce l’inquiétude des États-Unis quant à la capacité de la Chine à contourner les sanctions et accélérer son développement technologique.
L’affaire des puces TSMC obtenues par Huawei met en lumière les limites des sanctions américaines et soulève plusieurs questions cruciales :
- Comment les États-Unis peuvent-ils mieux contrôler l’application de leurs sanctions ?
- TSMC et d’autres fonderies peuvent-elles être contraintes de surveiller la destination finale de leurs puces ?
- La Chine est-elle déjà en train de combler son retard sur l’IA et les semi-conducteurs de pointe ?
Le bras de fer entre Washington et Pékin sur la technologie IA et les semi-conducteurs ne fait que s’intensifier. Avec des enjeux stratégiques, économiques et sécuritaires majeurs, cette affaire pourrait entraîner un renforcement des restrictions américaines et des mesures de rétorsion chinoises.